La Maison-Blanche a décidé d’apporter son soutien à l'homme fort de l'est du pays, en pleine offensive contre Tripoli, la capitale. Un revirement de la position américaine qui marginalise Fayez al-Sarraj, seule autorité reconnue par les Nations unies.
Un communiqué du gouvernement américain, diffusé le 19 avril, annonce le revirement spectaculaire de Donald Trump dans la crise libyenne. Ce dernier s’est entretenu, le 15 octobre par téléphone, avec le maréchal Khalifa Haftar.
Dans ce texte, Washington loue son « rôle significatif dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation des ressources pétrolières en Libye », évoquant une « vision commune » pour un avenir démocratique en Libye.
Plus de deux semaines après le lancement de l’offensive sur Tripoli, l’administration américaine décide donc de soutenir clairement l'homme fort de l'est libyen, aux dépens de Fayez al-Sarraj pourtant reconnu comme la seule autorité légitime dans le pays par la communauté internationale.
Le 15 avril, les Etats-Unis s’opposaient, d’ailleurs, aux côtés de la Russie à une résolution de cessez-le-feu soumise au Conseil de sécurité par la Grande-Bretagne. Et pourtant, quelques jours après le début de l’offensive sanglante d’Haftar sur la capitale libyenne, le secrétaire d’Etat américain appelait à « l’arrêt immédiat de ces opérations militaires ». « Nous nous opposons à l’offensive », déclarait alors Mike Pompeo. La Maison-Blanche considère désormais le message inverse qu’a délivré Donald Trump au maréchal Haftar par téléphone, en soutenant son offensive militaire pour le contrôle total de la Libye. Offensive pourtant qualifiée de « coup d’Etat » par l’ONU.
L'appui clair et net des Etats-Unis permet de mieux comprendre pourquoi « Haftar est dans une logique où il veut aller jusqu'au bout », selon les termes d'un diplomate s'exprimant sous couvert d'anonymat. Malgré ses difficultés militaires et un front qui s'est enlisé, le maréchal Haftar continue d'estimer qu'il « peut l'emporter » quinze jours après le début de son offensive, selon plusieurs diplomates.
Les Grandes puissances divisées sur la question
Le soutien américain, note l'une de ces sources, « clarifie les choses » aussi à l'ONU, où le Royaume-Uni se bat en vain depuis cinq jours, avec le soutien de l'Allemagne et la France, à essayer de faire approuver une résolution réclamant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combat.
Dans les négociations, curieusement, Etats-Unis et Russie s'étaient retrouvés sur une même ligne pour réclamer « du temps » ou dire qu'ils n'étaient « pas prêts » pour une résolution, sans vraiment expliquer à leurs partenaires pourquoi. Alors que sur le terrain l'émissaire de l'ONU, Ghassan Salamé, multipliait les mises en garde alarmistes sur un « embrasement généralisé » et réclamait une réaction urgente.
Le 17 avril, les trois pays africains au Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Côte d'Ivoire et Guinée équatoriale) ont ajouté leurs voix aux réticences américaines et russes en bloquant le processus de discussions. Avec des demandes qui n'avaient « aucun sens », selon un spécialiste du dossier qui n'exclut pas que leur obstruction ait été « téléguidée » par des grandes puissances ou le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, « très pro-Haftar » et proche de Donald Trump.
Dans le rapport de forces entre le maréchal Haftar et Fayez al-Sarraj, le premier bénéficie du soutien de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de la Russie et des Etats-Unis, ouvertement depuis le 19 avril. Le second, à l'autonomie « très faible » à l'égard des milices armées tenant Tripoli, selon les Occidentaux qui ont une piètre opinion de ses qualités de dirigeant, est soutenu par le Qatar et la Turquie.
Selon diplomates et experts, l'offensive du maréchal Haftar n'a pas pu être déclenchée sans un feu vert de ses soutiens et la sortie de « l'impasse » actuelle dépendra beaucoup d'eux.