Faciliter l'accès des moins de 25 ans au marché du travail n'est pas seulement une affaire de croissance économique. Les printemps arabes, les guerres civiles en Afrique de l'ouest et l'expansion des groupes terroristes en témoignent.
Si les dirigeants africains ne s'attellent pas à créer des emplois pour les jeunes, ils risquent de devenir les initiateurs d'une contre-performance inédite. Faire tourner l'économie en donnant du travail aux plus jeunes reste un moyen de lutter contre l'instabilité politique, par ailleurs nourrie par les problèmes de gouvernance, la pauvreté ou la corruption. Le chômage n'est pas une exception africaine, mais il constitue une urgence, parce qu'avec environ 1,3 milliard d'habitants, dont la moitié de moins de 25 ans, l'Afrique est le continent qui compte le plus de jeunes. Vivier de main d'œuvre, "25,6 millions de jeunes travailleurs âgés entre 15 et 29 ans entreront sur le marché du travail et auront besoin de trouver un emploi" d'ici à 2030, indique l'Organisation internationale du travail(OIT).
Une hausse de la main-d’œuvre des jeunes qui sera "presque entièrement" le fait de l'Afrique. La population en âge de travailler sur le continent africain devrait atteindre près d’un milliard à l'horizon 2030. Pour faire face à cette croissance, "l’Afrique doit créer chaque année environ douze millions de nouveaux emplois pour contenir l’augmentation du chômage", selon la Banque africaine de développement (BAD). En moyenne, onze millions de jeunes entrent chaque année sur le marché du travail en Afrique qui ne dispose pour eux que de trois millions d’emplois, soit un écart d’environ huit millions, poursuit la BAD.
Le résultat est que "les jeunes représentent 37% de la population active, mais constituent environ 60% des personnes au chômage". L'Union africaine a lancé un programme baptisé "Un million by 2021 initiative", "une preuve de (son) engagement en faveur des jeunes", précise un communiqué.
L'objectif du projet, c'est d'offrir des opportunités à "des millions de jeunes Africains d'ici 2021", notamment en matière d'emploi, d'entrepreneuriat et d'éducation. Deux ans pour éclaircir, par exemple, l'horizon des "plus de onze millions de jeunes sans travail en Afrique subsaharienne et (des) 69% des jeunes qui s'identifient comme 'travailleurs pauvres'", selon les chiffres.
Dans cette partie du continent, le marché du travail est caractérisé par l'importance du secteur informel, où les rémunérations sont faibles et la protection sociale inexistante. "En plus d'autres réalités sociales, les jeunes, vulnérables, sont devenus des recrues faciles pour les organisations criminelles, les milices rebelles, les gangs politiques et les réseaux extrémistes", explique un chercheur de l'Institute for security studies basé à Pretoria, en Afrique du Sud.
Dans leur quête d'accéder au coeur de l’État où se trouvent les ressources, le pouvoir et les privilèges, de nombreux jeunes rejoignent des réseaux au service "d'élites politiques et de poids lourds économiques". Ils deviennent ainsi "des soldats d'infanterie pour des activistes locaux qui les manipulent pour saper les processus politiques'', note-t-il. Pour ces "désespérés qui n'ont rien à perdre, le coût du recrutement dans des conflits est faible, ce qui accroît leur propension à contribuer à l'instabilité politique, à la violence collective, aux crimes et aux conflits", explique-t-il. D'autant que "l'effondrement de l’Etat de droit et le chaos associé aux conflits offrent aux criminels l’occasion de subvenir à leurs besoins en se livrant au pillage, au vol et même à l’exploitation excessive des ressources naturelles en collusion avec des réseaux criminels transnationaux".
On se souvient des guerres civiles des années 1990 en Sierra Leone, au Liberia et en Côte d’Ivoire, où les chefs de guerre ont transformé les jeunes chômeurs en soldats. " Le Printemps arabe en Afrique du nord a montré que là où les jeunes sont, politiquement exclus et économiquement marginalisés, leur inclination à la révolte ne peut être contenue par aucune mesure coercitive de l'Etat. C'est le cas de l'Algérie. En dépit de la manne pétrolière, le taux de chômage des jeunes est l'un des plus élevés du continent ( 28,7% en 2017), selon le Fonds monétaire international. Le taux de chômage dans cette partie du continent est relativement plus important qu'en Afrique subsaharienne. Notamment à cause de celui des moins de 25 ans. Dans le nord, ce taux devrait dépasser les 30% en 2019, selon l'OIT. Soit 3,5 fois celui des plus de 25 ans. Le chômage des jeunes est "un drapeau rouge pour l’instabilité politique en Afrique", surtout lorsque sont au rendez vous , la mobilisation populaire via l'endoctrinement religieux, la radicalisation, la polarisation politique ou la manipulation ethnique, la déstabilisation et l'instabilité politique.
Des exemples sont nombreux : la secte Mungiki, au Kenya, les militants islamistes Shebab dans la Corne de l'Afrique, Boko Haram au Nigeria, le Mujao et Ansar dine, dans le nord du Mali.
Un tweet récent de la BAD indiquait que "40% des jeunes Africains qui rejoignaient des groupes extrémistes -mentionnent- l’absence de travail pour expliquer leur enrôlement. L'investissement dans l’emploi des jeunes est donc à la fois une urgence et une priorité collective pour freiner la migration et la radicalisation. Un rapport d'avril dernier de la Fondation Mo Ibrahim, début avril, intitulé"Jeunesse en Afrique : emploi ou migration", rappelle que "80% des migrations sont motivées par la recherche d'un emploi ou de meilleures perspectives économiques".