Le Conseil militaire au pouvoir dans le pays et des représentants des manifestants ont annoncé, le 15 mai, à l'issue de discussions marathon, un accord sur une période de transition politique de trois ans devant préparer un transfert du pouvoir aux civils.
« Nous sommes tombés d'accord sur une période de transition de trois ans », a déclaré à la presse le général Yasser Atta, membre du Conseil militaire qui a pris le pouvoir après l'éviction, le 11 avril dernier, du président Omar el-Béchir, emporté par une vague de protestations qui a commencé en décembre après le triplement du prix du pain.
Madani Abbas Madani, un représentant de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de protestation, a confirmé cet accord.
Jusqu'ici, les manifestants voulaient une période de transition de quatre ans alors que l'armée voulait l'écourter à deux ans. Selon le général Atta, les six premiers mois de la période de transition de trois ans seraient consacrés à conclure des accords de paix avec les mouvements rebelles dans l'ouest et le sud du Soudan.
L'officier supérieur a également fait état d'un accord sur les prérogatives et la composition de la future assemblée législative. Elle comprendra, a-t-il précisé, trois cents membres désignés et sera constituée à hauteur de 67% par des représentants des manifestants, réunis au sein de l'ALC. Le reste de l'assemblée sera occupé par les forces politiques non affiliées à l'ALC.
Cette coalition réclame un transfert du pouvoir à une autorité civile et s'appuie sur le soutien de manifestants qui campent devant le QG de l'armée à Khartoum, depuis le 6 avril.
Quid du Conseil souverain ?
Le haut gradé soudanais n'a pas fait état d'un accord sur la composition du Conseil souverain, qui sera la haute autorité de la période de transition devant précéder le transfert total du pouvoir aux civils.
L'armée cherche à avoir la majorité au sein de ce conseil alors que l'ALC veut qu'il soit dominé par les civils. Le général Atta a toutefois promis « un accord total en moins de 24 h pour répondre aux aspirations du peuple ».
Les discussions, débutées lundi entre le Conseil militaire et l'ALC, ont donné lieu au premier jour à une entente rapide sur la structure des institutions de la période de transition, à savoir un Conseil souverain, un cabinet et une assemblée législative.
Mais des violences, qui ont fait six morts - cinq civils et un militaire - et de nombreux blessés, selon des sources médicales et militaires, ont fragilisé les pourparlers.
Madani Abbas Madani a précisé que les deux parties avaient décidé de former une commission d'enquête sur les violences mortelles lundi soir. Bakr Fayçal, autre leader de la contestation, avait réclamé plus tôt une telle initiative pour « identifier et punir les responsables de ces violences ».
Le Conseil militaire avait attribué ces violences à des « éléments » cherchant à faire dérailler le processus politique. Mais l'ALC en a accusé l'armée. « Nous faisons porter l'entière responsabilité de ce qui s'est passé au Conseil militaire, parce qu'il est en charge de la protection des manifestants », a déclaré un leader du mouvement de contestation, Mohammed Naji al-Assam.
Le calme est revenu mardi dans la capitale mais dans la ville voisine d'Omdourman, des dizaines de manifestants ont bloqué des routes et incendié des pneus pour protester contre les violences.
L'ancien régime en cause
Sur le lieu du sit-in face au QG de l'armée à Khartoum, des manifestants ont mis en cause les partisans du régime du président déchu, Omar el-Béchir. Certains ont pointé du doigt l'unité controversée de la Force de soutien rapide (RSF).
Composée de miliciens accusés par des groupes de défense des droits humains d'exactions au Darfour, la RSF fait désormais partie de l'armée soudanaise. Elle est commandée par le général Mohamad Hamdan Daglo, surnommé « Himeidti », également chef adjoint du Conseil militaire de transition.
Les incidents sanglants de la nuit avaient été précédés par de premières tensions : le 12 mai dans la soirée, des manifestants avaient bloqué une grande artère de Khartoum, la rue du Nil, en accusant les militaires d'avoir fermé un pont menant à leur sit-in permanent.