Enseignante en science, biologiste et didacticienne, Dora Muanda est la directrice scientifique de la Semaine de la science et des technologies de la République démocratique du Congo (RDC), dont la huitième édition s’est déroulée au mois d’avril 2021 sur le thème « Arts, culture et héritage : un levier pour construire l’Afrique que nous voulons ».
Le Courrier de Kinshasa : Quel est votre parcours académique et professionnel ?
Dora Muanda: je suis une passionnée de l’enseignement et des sciences. J’ai successivement achevé un bac d’agrégé de l’enseignement des sciences, avant de faire un bac en biologie, suivie d’un master en biologie et écologie des organismes accompagné d’une agrégation de l’enseignement supérieur. J’ai accompli tout mon parcours académique en Belgique, mais j’ai pu acquérir de l’expérience en travaillant non seulement en Belgique, mais aussi en RDC et aux États-Unis. Ce qui me permet de dire aujourd’hui que je suis une enseignante en science, une biologiste, une didacticienne et la directrice scientifique de la Semaine de la science et des technologies de la RDC.
LCK: Quels sont les objectifs de la semaine de la science et des technologies ?
DM : L’objectif est de promouvoir une culture scientifique au sein de la jeunesse congolaise. Un pays ne produit pas d’innovateurs par hasard, il y a un travail de sensibilisation qui doit être fait auprès des jeunes, afin de susciter le goût des sciences et d’encourager les choix d’études et de carrières dans les STIM (science, technologie, ingénierie et mathématique). Nous avons créé une semaine de la science et des technologies où tout le monde peut, à la fois, s’amuser autour des sciences et réaliser l’importance et l’impact de cette dernière dans le développement d’une société.
LCK. : En quoi consiste votre travail en tant que directrice scientifique de la Semaine de la science et des technologies en RDC ?
DM : Une fois le thème choisi avec Raissa Malu et l’équipe d’IIP (Investing in people), je crée et je programme les ateliers scientifiques qui seront proposés durant la semaine de la science. Ensuite, je m’occupe de la formation des enseignants locaux qui m’aideront, à leur tour, à former sur place, un groupe mixte de cinquante élèves issues de trois écoles secondaires différentes qui animeront les ateliers scientifiques en présence des visiteurs. Je m’occupe de la gestion du matériel nécessaire aux activités ainsi que de la répartition et de l’emplacement des ateliers au sein du village des sciences. Cette année, je me suis également occupé de la formation d’une équipe d’enseignants et d’inspecteurs à l’intégration des TIC (Technologie de l’information et de la communication) dans l’enseignement des sciences et des mathématiques. Et enfin, j’ai formé un groupe d’élèves de l’école Malaika à l’animation scientifique.
LCK : la 8e édition de la Semaine de la science et des technologies, tenue du 5 au 17 avril dernier, avait pour thème « Arts, culture et héritage : un levier pour construire l’Afrique que nous voulons ». Comment avez-vous décliné ce thème tout au long de cette édition ?
DM : Le domaine des STIM nous offre à la fois un héritage de connaissances, de pratiques et de formules, issu des découvertes et des travaux du passé, et à la fois des outils pour façonner l’avenir. Pour honorer le thème de cette année, les ateliers scientifiques ont été organisés en cinq catégories d’héritage comportant plusieurs activités : héritage médical, où on a pu parler de l’historique des vaccins et de leurs importances dans le défi sanitaire actuel par exemple ; héritage génétique, où l’on a expliqué comment nos cellules mettent en place une immunité ; héritage technologique autant dans le domaine médical que dans le domaine de l’agriculture, deux piliers du développement durable ; héritage culturel où l’on a reconnu la sagesse contenue dans les croyances ancestrales en matière de préservation de la nature ou encore à travers les différentes manières utilisées par l’Homme pour se repérer dans le temps et l’espace ; héritage quantique où l’on a pu expérimenter et étudier les caractéristiques de la lumière, que ce soit à travers les étoiles ou les miroirs par exemple.
LCK : Quel bilan pourriez-vous faire de cette 8e édition ainsi que des éditions précédentes ? Quelles sont les innovations apportées depuis la première édition ? Quels sont les chiffres-clés ?
DM : Nous avons pu constater une évolution dans les mentalités. Lors de la première édition, personne ne comprenait l’importance de ce que nous essayions de faire ni les enjeux qui en étaient liés. Nous n’étions absolument pas certaines que le public répondrait favorablement. Maintenant, nous sommes attendues ! Les enseignants, les étudiants et les professionnels nous contactent pour participer aux prochaines éditions. Le message que nous portons est passé, la jeunesse semble vouloir prendre le relai et c’est une source de satisfaction pour nous.
Au cours de ces huit dernières années, nous avons également grandi sur le plan du nombre d’initiatives réparties dans tout le pays. Nous avons commencé uniquement à Kinshasa, maintenant notre Semaine de la science et des technologies est capable de fédérer non seulement les autres provinces de la RDC, mais aussi d’autres pays africains. À ce sujet, nous avons déjà organisé trois compétions scientifiques nationales avec des participants venant des onze provinces congolaises et des pointures internationales ont fait partie des jurées. Environ 52.000 participants sont venus nous rendre visite dans le village des sciences au fil des différentes éditions.
Nous avons produit quarante-cinq capsules vidéos et podcast radio en mathématiques et en sciences, correspondant au programme scolaire congolais pour pallier la fermeture des écoles durant la crise sanitaire liée à la covid-19. Nous avons mis en place une base de données pour recenser les femmes congolaises en sciences afin de leur transmettre toutes les opportunités scolaires et professionnelles dans le domaine des STIM. Cette année, nous avons eu l’honneur d’avoir un mot de la part du président de la République, son excellence M. Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et nous avons eu également la participation du panel présidentiel pour l’une de nos conférences.
LCK : Vous avez organisé huit éditions consécutives de la Semaine de la science et des technologies ? Quels sont les défis auxquels vous faites face ?
DM : Bien que nous proposions chaque année un évènement de qualité, nous devons chaque fois conquérir nos éventuels sponsors. Mais au-delà de l’aspect financier, je reconnais qu’il est épuisant de devoir convaincre à chaque fois la sphère politique de l’importance de tels évènements et de l’urgence des enjeux pour le développement du pays.