Couleurs de chez nous : « Les goûts et les couleurs »

Mardi, Novembre 22, 2016 - 14:30

C’est le titre d’une célèbre chanson de l’une des stars de la musique congolaise. Comme quoi : les couleurs, on ne l’a jamais assez dit, distinguent les choses et les êtres ; elles renseignent sur leurs grades, qualité, sexe ou genre, nature, catégories ou ambitions.

Observez : dans l’armée, la couleur du béret est un indicateur. Selon qu’il est rouge, vert, noir, bleu ou autre, le béret informe sur le « corps »auquel appartient le soldat. Dans la santé, on connaît la prééminence de la « blouse blanche » aux côtés de « la rose » des sages-femmes ou de la verte des  «chirurgiens ». À l’école, la couleur joue un rôle primordial parce que sa diversité a failli saper la cohésion au sein des enfants du Congo. L’autorité scolaire a eu la bonne idée « d’imposer » l’uniformisation des couleurs sur toute la République.

Les chercheurs dans les laboratoires sont identifiables par leur blouse blanche alors que les agents des eaux et forêts le sont à leur tenue verte rimant avec leur espace de travail. À la tête du Domaine public et des Affaires foncières, le ministre Mabiala s’était  imposé avec sa longue blouse rouge vif. Pourtant, il est une catégorie qui ne trahit cette réalité : les mécaniciens congolais dont la tenue est pourtant bleue. La réalité dans les garages contraste avec ces exigences sociales.

En effet, le mécanicien congolais préfère le T-shirt blanc, souvent obtenu à la faveur d’une campagne électorale. Si bien qu’il n’est pas rare que sa « marinière » (pour respecter le vocabulaire des Congolais) porte la photo ou le logo d’un acteur politique ou d’un parti. Quoi qu’il en soit, nos mécaniciens y recourent et les arborent comme tenue de travail. Des jours après, le T-shirt imbibé d’huile, de cambouis ou de graisse perd de son éclat et vire au noir à force de passer sous les véhicules ou de servir d’essuie-main.

Le comble avec cette catégorie : le T-shirt sali continue d’être porté au-delà du garage. Ses porteurs sont fiers de s’afficher avec dans les lieux publics non sans évaluer dans quel état ils placent les autres citoyens. Arguments avancés : « Il n’y a pas de sots métiers. Il n’y a que de sottes gens. » Autrement commentés, ces propos obligent tous les critiques à accepter les mécaniciens tels quels dans les bus, les taxis, les restaurants, etc.

Impuissants devant cette attitude de leurs « bienfaiteurs » ou « dépanneurs », les chauffeurs font « contre mauvaise fortune, bon cœur ». Comment repousser le mécano plein de crasse qui le sollicite quand on sait que c’est vers lui qu’il ira dès la première panne du véhicule. Autre image : celle de ce mécano, tout badigeonné de liquides divers (peut-être en rajoutait-il !), se prélassant dans des fauteuils en cuir d’une voiture haut de gamme et que lui seul avait le pouvoir de remettre sur la chaussée. Il fallait voir la colère mal contenue du « proprio ». Morale de ce récit : on a toujours besoin d’un plus petit que soi. Même quand sa présence importune.

 

Van Francis Ntaloubi
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