La possibilité d’un changement important du climat au tour de l’Atlantique a été symbolisée par une fiction hollywoodienne appelée « Le jour d’après ».
Pour évaluer le risque, des chercheurs du laboratoire Environnements et Paléo-environnements océaniques et continentaux (CNRS/ université de Bordeaux) et de l’université de Southampton ont développé un algorithme pour analyser les 40 projections climatiques prises en compte dans le dernier rapport du Giec. Cette nouvelle étude fait monter la probabilité d’un refroidissement rapide de l’Atlantique Nord au cours du XXIe siècle de près de 50%, selon les résultats publiés par la revue Nature Communications.
Détecté dans toutes les projections des modèles climatiques actuels, « le ralentissement de la circulation océanique de retournement pourrait entraîner un bouleversement climatique sans précédent ». Se basant sur les résultats d’une quarantaine de projections climatiques, le Giec a estimé que ce ralentissement s’installerait progressivement et sur une échelle de temps longue. Un refroidissement rapide de l’Atlantique Nord au cours du XXIe semblait donc peu probable.
Dans le cadre du projet européen Embrace, une équipe d’océanographes a réexaminé les 40 projections climatiques en se focalisant sur un point névralgique au nord-ouest de l’Atlantique Nord : la mer du Labrador, le siège d’un phénomène de convection, qui nourrit à plus grande échelle la circulation océanique de retournement. Ses eaux de surface se refroidissent fortement en hiver, deviennent plus denses que les eaux de profondeur et plongent vers le fond. La chaleur des eaux profondes est transférée vers la surface et empêche la formation de banquise.
Choisissant d'étudier ce phénomène de convection en détail, les chercheurs ont développé un algorithme capable de repérer les variations rapides des températures à la surface de l'océan. C’est une espèce de « moulinette statistique », elle a révélé que 7 des 40 modèles climatiques étudiés projetaient un arrêt complet de la convection engendrant des refroidissements abrupts - 2 ou 3 degrés en moins de dix ans – de la mer du Labrador, induisant de fortes baisses des températures dans les régions côtières de l'Atlantique Nord.
Simulé seulement par quelques modèles, un tel refroidissement rapide est-il vraisemblable ? Pour répondre à la question, les chercheurs se sont penchés sur la variable clé du déclenchement de la convection hivernale, qui est la stratification océanique. « Ces variations verticales de la densité des masses d'eau sont bien reproduites dans 11 des 40 modèles. Parmi ces 11 modèles, qui peuvent être considérés comme les plus fiables, 5 simulent une baisse rapide des températures de l'Atlantique Nord, soit 45 % ! ».
Issus de modèles climatiques, ces résultats pourront être confrontés aux futures données du projet international Osnap, qui prévoit l’installation de bouées fixes dans « le gyre subpolaire ». Ce qui pourrait « anticiper de possibles refroidissements rapides dans les années à venir », indique l’étude. Cependant, « ce risque devra être pris en compte dans les politiques d’adaptation au changement climatique dans des régions bordant l’Atlantique Nord », relèvent les chercheurs.