La quatorzième édition du Festival des cultures africaines Africajarc met à l'honneur des artistes congolais
À l'image de l'Afrique généreuse et accueillante, le charmant petit village médiéval de Cajarc, lové au bord du Lot, qui compte d'ordinaire mille deux cents âmes s'ouvre aux vingt-cinq mille personnes qui vont y affluer du 26 au29 juillet. Chaque année depuis quatorze ans, Cajarc vit pendant quatre jours au rythme de l'Afrique à l'occasion de son Festival des cultures africaines. Au fil des ans, artistes et festivaliers viennent et reviennent dans ce festival à taille humaine.
Car depuis sa création Africajarc est une histoire d'amitié : né de la mobilisation du village pour permettre à deux danseurs béninois de rester en France et d'y exercer leur art, c'est aujourd'hui la grande famille des artistes et des bénévoles qui perpétue cette aventure humaine et fraternelle.
Deux cent soixante-quinze bénévoles provenant essentiellement du village font vivre ce festival, sous la direction des trois co-présidents Didier Reynes, Francine Erb Gomes et Patricia Huguet, avec le concours de la directrice artistique et responsable de la programmation, Régine Lacan. La municipalité, les entreprises et commerces, s'impliquent. C'est toute la ville qui se met à l'heure africaine.
Parmi les artistes présents cette année, le peintre François Mafoua, le photographe Lumière Moussala, l'écrivain Alain Mabanckou et la compagnie de danse et de théâtre Punta Negra étaient les dignes représentants du Congo.
Le jeune photographe Steven Lumière Moussala expose plusieurs séries d'œuvres exprimant diverses réalités du continent. C'est le rire avec la série sur les clowns, une certaine recherche esthétique avec la série sur les sapeurs ou enfin la révélation du double visage de l'Afrique avec ses maux et la nouvelle génération porteuse d'avenir. Celui qui représente la France sur le planartistique aux Jeux olympiques de Londres expose par ailleurs au musée de Londres, du 27/07 au 12/08, un travail réalisé au Maroc. François Mafoua réalise des œuvres en direct. Il peint comme il respire, sans s'arrêter, sans relâche, il produit près de dix tableaux par jour. Sa quête inlassable : traduire l'identité congolaise à travers sa peinture tant par les sujets de ses toiles que les matériaux et les supports utilisés parmi lesquels le bois, la toile de jute et les feuilles de manioc. Ses toiles sont exposées à la Librairie-Galerie Congo jusqu'en septembre et son travail sera bientôt visible aux États-Unis à l'occasion d'une exposition à Miami.
Le temps d'une déambulation dans la ville, les places et les ruelles résonnent soudain des vibrations des tambours et des danses du Congo... la compagnie Punta Negra est à l'œuvre. Emmenés par Roch Amedet Banzouzi, les sept membres de la compagnie originaire de Pointe-Noire nous transportent dans un autre univers. Ils ont également participé à la journée dédiée à Frantz Fanon en donnant une lecture de ses textes. On les retrouvera en septembre avec la compagnie La Voix du caméléon pour jouer la pièce La Brasserie de Koffi Kwahule.
Sous la torpeur du chaud soleil d'été, au détour des ruelles étroites que forment d'antiques maisons en pierre à la face sévère, le temps se suspend quelques instants devant la grâce d'un spectacle de danse. On découvre une exposition de peinture ou une vidéoprojection, un cours de danse africaine ou un atelier pour enfants, on flâne entre les échoppes colorées du marché africain, on se restaure au Mayombe, au bord de l'eau.
Au « grin littéraire », on forme son esprit, on prend le temps de feuilleter un livre ou de discuter avec un auteur sous la tente librairie. L'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch bat en brèche les clichés d'une Afrique marginalisée et déroule le fil d'une histoire tout autre, celle d'un continent au cœur des échanges mondiaux dès l'Antiquité, notamment grâce au commerce de l'or, et rappelle l'apport fondamental de l'Afrique à la monétarisation puis à l'industrialisation de l'Occident. Cette contribution critique au développement mondial se poursuit jusqu'à aujourd'hui avec la fourniture du pétrole et des minerais nécessaires aux nouvelles technologies.
La table ronde sur Frantz Fanon a attiré les grandes foules. Parmi les intervenants, on retrouve, entre autres, la fille de l'écrivain, Mireille Fanon Mendes-France, l'universitaire Lilyan Kesteloot et les écrivains Eugène Ebode, Gaston Kellman et Alain Mabanckou. Tous évoquent leur rencontre avec cette figure tutélaire et son influence dans la formation de leur pensée. Ainsi dans le dernier opus du Franco-Congolais Alain Mabanckou, Le Sanglot de l'homme noir, c'est l'ombre de Frantz Fanon qui plane.
À la nuit tombée, le ciel s'emplit de musique : Amadou et Maryam, et surtout les retrouvailles sur scène des deux monstres sacrés Tyken Jah Fakoly et Alpha Blondy font vibrer les festivaliers.
Parmi la famille reconstituée des artistes congolais, des liens se créent, on refait le monde, des projets prennent forme, on parle du pays. Tous ont déjà pris rendez-vous pour l'année prochaine. L'histoire d'amitié continue...