Vin : Du Bénin aux Etats-Unis, la « success story » du Sodabi

Mercredi, Janvier 10, 2018 - 15:00

Liqueur traditionnelle à base de vin de palme, très consommée au Bénin, le Sodabi a été revisité par de jeunes Américains, Jake Muhleman et Eric Newton. Exporté sous le nom de « Tambour original, product of Benin », le vin a remporté en 2015 la médaille d'argent au San Francisco World Spirits Competition, le concours de liqueurs le plus prestigieux d'Amérique du Nord.

En 2012 lorsque l’Americain Jake Muhleman, alors étudiant, vient rendre visite à un ami, Eric Newton, au Bénin, il goûte pour la première fois au Sodabi. Une liqueur artisanale obtenue à partir de la sève du palmier à huile. Préparée de façon traditionnelle, elle fermente avant d'être distillée dans des alambics rudimentaires chauffés au feu de bois. Elle est ensuite conservée le plus souvent dans des bouteilles en plastique recyclées.

Connu dans sa région de fabrication, le Sodabi restait cependant un produit local. Les deux compères se lancent le défi d’exporter la boisson. « On s'est dit qu'on pourrait être les premiers à faire connaître le sodabi dans le monde entier ! En plus, il y a toute une culture derrière », explique Jake Muhleman, petites lunettes et barbe bien taillée. 

S’impose alors le choix de revisiter le Sodabi local pour mieux le valoriser. Jake et Eric ont sillonné à moto le sud du Bénin à la rencontre de producteurs de vin de palme de qualité pouvant leur fournir la matière première. Ils mettent près d'un an pour concocter leur recette.

« Après la distillation, on ajoute un mélange de quatorze ingrédients tropicaux, comme le gingembre ou la fleur d'hibiscus », détaille Jake. « C'est ce qui donne à notre boisson sa couleur cuivrée », alors que le Sodabi artisanal est transparent. Et si le goût âpre du vin de palme reste, des arômes à la fois fruités et épicés adoucissent le breuvage.

Il a fallu investir pour obtenir une distillation moderne qui respecte les normes internationales en matière d'alcool. « Le problème avec le Sodabi de village, c'est l'alcool frelaté », explique Emilie Nabet, jeune française chargée du marketing chez « Tambour ». « Quand on distille, il y a de l'eau, de l'alcool et du méthanol, or le méthanol est dangereux pour la santé, il faut l'extraire et si on n'a pas une vision précise de la température, on ne peut pas savoir quand il sort. », prévient-elle.

Ainsi, la distillerie tourne 24h/24 avec trois salariés mais dispose d'une capacité de production limitée à quelque trois cents grandes bouteilles par mois, faute d'infrastructures suffisantes. Jake Muhleman dit miser sur une levée de fonds prochaine pour développer l'activité.

La marque « Tambour » a été choisie car elle est « facile à prononcer en anglais », s'amuse le trentenaire, et parce que le tambour « est lié à la culture d'ici, les gens l'associent à l'Afrique de l'ouest ».

Le Sodabi est couramment utilisé comme offrande au cours des cérémonies religieuses vaudoues, où il est censé donner force et endurance, mais aussi augmenter la protection divine contre les mauvais esprits.

Dans les villages, les producteurs ajoutent des feuilles ou des fruits macérés, chacun ayant son secret, pour en améliorer le goût ou lui apporter les vertus médicinales de certaines plantes.

Au Bénin, les débuts de la vente de « Tambour original, product of Benin »  ont été plus difficiles. Jake a réussi à convaincre quelques supermarchés et bars, qui étaient peu habitués à vendre du Sodabi. Le prix surtout était un frein: 8 000 francs CFA la bouteille de 37,5 cl (12 euros), contre 800 à 1 000 FCFA le litre acheté au village (1,5 euro).

Khaled Baaklini, propriétaire du « Code Bar », un établissement branché de Cotonou, a été le premier à élaborer des cocktails avec du Sodabi. « C'est un produit raffiné, un vrai spiritueux », s'enthousiasme ce Béninois d'origine libanaise, avant de poursuivre: « C'est génial que cet Américain mette en valeur un produit typiquement béninois. Personne n'avait pensé à faire ça avant lui ». 

Aujourd’hui, la boisson est disponible dans une trentaine de bars et de magasins de spiritueux de la côte est des Etats-Unis. 

 

Dona Elikia avec AFP
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