Détentrice d'une licence en biologie moléculaire de l’université de Kinshasa, Clarisse Falanga est la conceptrice d'une crème capillaire dénommée « Miravella Hair Cream ». Egalement cheffe des travaux au département de biologie au sein de la faculté des sciences de cette université, elle travaille aussi en collaboration avec le département de biotechnologie et biologie moléculaire du commissariat général à l’énergie atomique de Kinshasa (CGEA/CREN-K), dans le domaine d’amélioration des plantes et mutations-induites.
Le courrier de Kinshasa (L.C.K. ) : Pourquoi avoir choisi d'effectuer des études en biologie moléculaire ?
Clarisse Falanga (C.F.) : J’ai choisi d’effectuer des études en biologie moléculaire par passion de découverte et de compréhension du mystère caché dans le matériel génétique de l’organisme humain.
L.C.K. : Vous travaillez en collaboration avec le département de biotechnologie et biologie moléculaire du CGEA/CREN-K, dans le domaine d'amélioration des plantes et mutation radio-induite. En quoi consiste votre travail précisément ?
C.F. : Pour faire simple dans mes explications, je vais définir quelques concepts de base. La biologie moléculaire est l’étude approfondie de la vie dans sa dimension infiniment petite ; ceci induit la manipulation du matériel génétique d’un organisme hôte tandis que la biotechnologie est une application concrète et industrielle de la biologie moléculaire visant non seulement à améliorer mais plus à développer des variétés intéressantes des populations (animales comme végétales).
Le concept mutation n’est rien d’autre que l’ensemble des changements naturels s’effectuant au niveau du matériel génétique d’un organisme, ceci étant dû par des facteurs endogènes qu’exogènes. Cette mutation devient induite quand nous l’accélérons par des agents physiques ou chimiques. La collaboration avec le CGEA/ CREN-K m’est une plus-value dans mon parcours car apportant une touche de particularité dans les analyses usuelles. Hormis les recherches classiques en biotechnologie, le CGEA/CREN-K s’investit dans plusieurs autres projets dont l’amélioration du manioc, du maïs et du soja. C’est dans ce dernier volet que je suis impliquée pour en améliorer non seulement le rendement et la résistance aux attaques extérieures mais plus les qualités nutritionnelles (contenu biochimique) et organoleptiques de cette plante. Ceci pour pallier les problèmes d’extinction de l’espèce, de malnutrition voire d’insécurité alimentaire.
Partant des souches sauvages connues, nous sélectionnons les grains selon les variétés ; pour chaque variété, nous trillons les grains et les séparons selon les formes les couleurs et dimensions ; nous conditionnons ces grains puis les soumettons à un traitement physique approprié après en avoir au préalable effectué un test de radiosensibilité. Une partie de ces grains irradiés sera ensemencée dans le champ expérimental et l’autre au laboratoire dans les conditions préalable d’asepsie.Nous allons observer les effets de la mutagénèse à la première génération (M1) par évaluation de certains paramètres tant morphologiques, quantitatifs que qualitatifs dont le taux de germination, la taille de la plante, le nombre des gousses par plantules, le nombre des grains par gousse, le nombre des feuilles par plantule, le nombre de ramification, la période de floraison, la forme et la couleur des feuilles, des gousses et des graines, etc. Le traitement physique utilisé a pour but d’accélérer le processus naturel de mutation au sein de la plante. Les différents changements au niveau de l’ADN de la plante s’exprimeront par une variation des caractères phénotypiques qui, dans certaines conditions, non seulement se transmettront mais se conserveront de génération en génération. Après cette étape, nous allons conserver quelques grains de la première génération et répéter l’opération pour la deuxième génération (M2). Ensuite, nous effectuerons des analyses moléculaires comparatives du matériel génétique de la souche sauvage (M0) à celle de la première génération (M1) puis de la deuxième génération (M2) pour en évaluer le taux de mutation génétique avec leurs incidences biochimiques.
L.C.K. : Quelles sont les recherches que vous menez ou que vous avez menées et les résultats obtenus ?
C.F. : J’ai mené plusieurs recherches dont les résultats sont publiés dans plusieurs revues scientifiques. Hormis les recherches sur l’amélioration du soja, je me suis lancée dans une analyse comparative de certaines huiles et crèmes capillaires commercialisées à Kinshasa. Les recherches étant en cours, les résultats seront communiqués dans un futur proche pour toute fin utile.
L.C.K.: Vous avez mis au point une pommade capillaire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ses vertus et qu'est-ce qui vous a poussé à la concevoir ?
C.F. : La crème capillaire Miravella Hair cream assouplit les cheveux, traite les alopécies, calvities et les casses des cheveux dues à la chimiothérapie, revitalise les cheveux ou les rend touffus, fait pousser les cheveux, hydrate la fibre capillaire, lutte contre les pellicules, prévient la chute des cheveux et l’apparition des fourches, lutte contre les affections du cuir chevelu et contre les démangeaisons et mauvaises odeurs capillaires. La crème apporte également un éclat et une brillance à la chevelure. Je l'ai conçue après avoir observé un manque d’adéquation entre la plupart des crèmes capillaires importées et la texture des cheveux crépus africains.
L.C.K.: Quels son les défis auxquels vous faites face quotidiennement dans votre travail en tant que femme dans le domaine scientifique ?
C.F. : La gestion du foyer concomitamment avec mes recherches ; le manque de financement ; très peu d’opportunités ; les différentes attitudes négatives des hommes envers les femmes les considérant comme fragiles, lentes, voire l’état physique faible qui les rendent moins efficaces (menstruations/ dysménorrhées, grossesses).
Par ailleurs, j'ai fait face à un défi financier qui m'a contrainte à autofinancer mes recherches en attendant un quelconque accompagnement. En outre, pour ce qui est des soins de cheveux, les patientes affectées par la chute de cheveux connaissent un blocage mental et s’interdisent de parler de vraies causes de la perte de leurs cheveux, car souvent liées à l’intimité de leur vie sociale, voire conjugale. J'ai ainsi le devoir d’amener les femmes à assumer cet état de défaite mais plus, à accepter que leur chute de cheveux pourrait trouver une solution.
La dernière difficulté est liée à l’impatience des patientes au regard du processus de pousse de cheveux dans la chaîne de traitement. La plupart des patientes veulent très rapidement avoir des résultats, oubliant les causes, voire le nombre d’années pendant lesquelles elles ont souffert de ces affections capillaires. C'est ainsi que j'invite les femme à la patience et au respect des prescrits et directives en ce qui concerne leurs soins tant mentaux que capillaires. Mes recherches entreprises visent à résoudre un épineux problème de santé publique qui décime la société en affectant particulièrement la femme et par ricochet l’homme. Ces études vont révolutionner et contribuer à la réglementation de l’industrie cosmétique en République démocratique du Congo (RDC) mais plus, elles vont éveiller à l’échelle internationale les consciences des femmes aux bonnes pratiques d’entretien de la fibre capillaire.
L.C.K.: : Quelles sont vos motivations dans la réalisation de vos objectifs ?
C.F. : Effectuer des recherches avec pour objectif de rendre service à la société et produire des publications en vue de transmettre l’information au monde scientifique national et international sur les recherches entreprises dans l’optique de contribuer à un avancement dans les sciences.
L.C.K. : Vous êtes membre de Stem initiative en RDC. Quelle est votre contribution au sein de cette organisation ?
C.F. : Pour la petite histoire, Stem DRC initiative est une organisation sans but lucratif dont l’objectif est de promouvoir les sciences, technology, engineering et math (Stem) dans le pays (www.stemdrc.com).
Elle a été fondée en 2018 par la Pre Sandrine Mubenga, ceci en réponse à un besoin exprimé par les jeunes congolais et congolaises. Chaque membre de l’équipe dirigeante Stem RDC initiative fait non seulement preuve d’une expertise et d’innovation dans son domaine de Stem mais plus, d’une éducation avancée ; c’est-à-dire que chacun des membres a au minimum une certification professionnelle ou une thèse de doctorat dans nos domaines précis. Chaque membre de l’équipe dirigeante est d’origine congolaise ou aurait vécu en RDC mais mieux cette crème de scientifiques a le désir et les connections nécessaires pour promouvoir les Stem.
Je suis membre de l’équipe dirigeante, et en tant que telle, en général, je contribue à mener des activités axées autour de la science et l’augmentation de la représentativité des femmes dans les Stem . Par exemple, le 8 mars, j’ai animé une conférence au lycée Movenda, à Kinshasa, pour encourager les jeunes filles à poursuivre des études en Stem. Pour être plus précise, mes contributions dans les Stem consistent à sensibiliser la jeunesse à embrasser et évoluer dans la filière de Stem ; encourager, motiver, former, voire encadrer la jeunesse dans cette filière, briser les stéréotypes selon lesquels les sciences dites pures ne seraient que l'apanage des hommes ; désacraliser, briser le tabou ou le mythe selon lequel les femmes ne pourraient jamais évoluer dans les métiers non traditionnels car réservés aux hommes et briser le silence maintenant la femme dans un carcan la définissant comme « machine à reproduction et objet de plaisir ».
L.C.K.: Quelle est la journée professionnelle type de Clarisse Falanga ?
C.F. : Arrivée au labo, Je jette un généreux coup d’œil sur mes planifications de la journée, je vérifie ou supervise différents travaux d’étudiants, j’encadre les étudiants dans leurs recherches et je me concentre sur mes différents travaux de recherches et projets. De temps en temps, je participe à des panels, voire conférences pour sensibiliser les jeunes aux Stem. Il y a aussi des jours où je participe à des forums ou des séminaires de formation scientifiques
L.C.K.: : Quelles sont vos hobbies ?
C.F. : Lecture, sport et cinéma
L.C.K.: Vos projets?
C.F. : Dans un avenir proche, je compte certifier internationalement mon invention de crème capillaire, monter un laboratoire de recherche, soutenir ma thèse de doctorat, m’investir dans l’encadrement des jeunes filles et des femmes à mettre la Science au service de la société.